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Interview CTO

Un CTO qui restructure sans quitter le terrain

Thomas Barrusseau a rejoint theTribe comme directeur technique en 2024. Il y était déjà passé en tant que développeur, avant de partir voir d’autres univers, du moteur graphique à la fintech. Quand il revient, c’est pour reprendre un chantier à la racine : rendre l’organisation plus fluide, renforcer l’expertise… tout en gardant ce qui fait l’ADN theTribe.

Revenir pour “remettre du liant”

Thomas ne débarque pas chez theTribe. Il connaît la maison : il y a été dev, a bossé en freelance avec eux, est resté proche du DG (Benoît) et du Head of Sales (Florent).

“Ils m’ont rappelé à un moment où il y avait des choses à remettre à plat. Pas forcément parce que tout allait mal, mais parce que certaines fondations devenaient floues.”

Premier chantier : désengorger le DG

Quand Thomas arrive, il voit tout de suite que Benoît, le DG, est au centre de tout.

“Il faisait les entretiens annuels avec tous les devs. Il suivait tous les sujets. Il portait tous les arbitrages. C’est trop.”

Il crée donc un niveau intermédiaire, les Engineering Managers, pour prendre le relai.

“C’est nouveau chez nous. Avant, on avait des coachs, des parrains… mais rien de vraiment structuré. Là, on a des mini-cellules avec des EM bien identifiés, qui fluidifient la communication et répartissent mieux les responsabilités.”

Deuxième chantier : muscler les missions d’expertise

L’autre priorité, c’est de mieux se positionner sur des missions à forte valeur ajoutée, au-delà du pur build.

“Ce qu’on veut développer, c’est l’audit, le conseil, les interventions rapides mais impactantes.”

Il me cite plusieurs cas très concrets :

Des audits dans l’industrie, auprès d’acteurs pas du tout familiers du numérique.

Des restitutions très synthétiques, sur Notion ou PowerPoint, entre 10 et 20 slides, avec recommandations tech, roadmap produit et besoin en staffing.

Des diagnostics rapides : “Tu arrives, tu as deux jours, tu dois extraire un max de valeur et proposer un plan d’action lisible.”

“Ce sont des missions où on n’est pas juste des exécutants. On est là pour clarifier, prioriser, poser un cadre. Et dans ce rôle-là, on est bons.”

Il garde un pied dans la prod

Thomas n’a pas quitté le code. Il ne veut pas devenir un CTO full stratégique.

“Je suis à 50% sur des sujets build, et 50% en tant que lead tech. J’ai même repris un projet récemment parce qu’il était complexe techniquement et que c’était pile dans mon scope.”

Il garde ce lien avec les équipes comme un ancrage : “C’est ce qui me permet de sentir ce qui coince dans les projets. Si je ne touchais plus à rien, je perdrais le contact.”

Une équipe Tech multi-profil, multi-stack

Chez theTribe, on compte une soixantaine de personnes, dont une quarantaine dans la tech. Thomas me détaille l’équipe.

“On a évidemment des devs, mais aussi des PM qui sont un mix entre chef de projet et product manager. Ce sont eux qui gèrent les échanges avec le client, les rituels, les ajustements. On a aussi pas mal de designers, mais pas juste pour les maquettes : ils animent des ateliers, bossent avec des utilisateurs pour penser le produit globalement.”

Et ce n’est pas tout. L’équipe inclut aussi des makers (Bubble, WeWeb, Xano…) pour les projets simples et rapides, des profils très DevOps, et des devs plus classiques, mais répartis sur une très large gamme de stacks.

“On travaille avec plein de technos : Node.js, PHP (Symfony, Laravel), Python (beaucoup de Django), du React, Angular, Vue, Flutter… Et côté infra, AWS, Scaleway, GCP…”

Ce n’est pas un choix de dispersion, c’est assumé :

“On ne se limite pas à une techno. On préfère staffer les bons profils sur les bons projets, avec les outils qu’ils maîtrisent, plutôt que forcer une stack unique.”

Stack idéale vs. réalité des projets

Il y a bien une stack “préféré” en interne : NestJS, TypeScript, React, Flutter, PostgreSQL. Mais il est rare de pouvoir l’imposer dès le départ.

“On récupère beaucoup de TMA. Des vieux projets, parfois mal ficelés, qu’on doit stabiliser, comprendre, avant de proposer autre chose.”

L’objectif est souvent de transformer une TMA en refonte. Mais pas à la hussarde :

“On prend le temps de s’approprier le projet, de comprendre les enjeux métier, de créer la confiance. Et là, on propose une stack qu’on aime, qu’on maîtrise, et qui sera plus maintenable.”

Pas tant d’IA que ça… sauf côté outils

Sur la partie IA, Thomas tempère tout de suite la hype :

“Les vrais usages IA dans les missions clients sont encore rares. On a fait de l’anti-spam, un peu de traduction avec des LLM, mais ça reste marginal.”

Le vrai changement, il est dans les outils des devs eux-mêmes : Copilot, Cursor, IDE avec LLM intégré.

“Le gain de productivité dépend beaucoup du contexte. Il faut savoir doser. Et ne pas oublier que c’est un outil très énergivore…”

Il ajoute un point peu abordé ailleurs : l’arrivée de projets “vibe codés”. C’est-à-dire quand un projet est lancé très vite, souvent par des non-techs ou en no-code/low-code, avec une logique plus expérimentale qu’industrielle.

“De plus en plus de prospects arrivent avec des POC faits avec l’IA. Ça ne tient pas la route, mais c’est intéressant. On récupère, on restructure, on rend industrialisable.”

Le low-code, une brique à part entière

Thomas insiste sur un point : le low-code, chez eux, ce n’est pas juste une mode.

“On ne fait pas du no-code pour faire joli. On fait du low-code bien pensé, qui laisse toujours une porte de sortie pour coder ce que le framework ne gère pas.”

Il me parle d’outils comme FlutterFlow, Bubble, Make. Et surtout de leur générateur de projet maison, open source, qui sert à accélérer les kicks-off.

“On veut intégrer ces briques directement dans notre tooling. Ce n’est pas une exception, c’est une extension.”

Recruter en 2025 : dur de trouver des profils solides

Sur le recrutement, Thomas ne tourne pas autour du pot :

“Il y a un vrai souci de niveau. Beaucoup de candidats arrivent au bout du process sans savoir coder proprement. Même à des niveaux dits seniors.”

Le process est clair : un call de qualif, un entretien technique, une évaluation de l’architecture ou un live coding, selon la séniorité.

“Ce qu’on cherche, c’est des gens qui tiennent la route techniquement, mais aussi humainement. Des gens qui communiquent bien, qui sont curieux, qui veulent progresser.”

Et surtout : des profils qui savent prendre des décisions et produire propre.

Un CTO qui met les mains dans l’humain

Thomas me parle aussi de son rôle managérial. Il ne fait pas les 1:1 avec 40 devs, mais il voit tous les EM toutes les deux semaines.

“Ce sont mes relais. On échange sur le moral, les tensions, les besoins. Je leur donne un max de visibilité sur le COMEX, ils me remontent le terrain. C’est fluide.”

L’ambiance dans l’équipe, il la décrit comme humaine, engagée, bienveillante. Et ça, il y tient.

“On veut éviter les burn-outs, les frictions, les non-dits. Le CSE est actif, et on est très attentifs à ce que chacun aille bien.”

Le marché ? Plus frileux, plus exigeant

“On est dans une période d’austérité généralisée. Les boîtes coupent leurs budgets. Il faut mériter chaque euro.”

theTribe ne vend pas le prix, mais la qualité :

“On rassure sur le fait qu’on ne dépasse pas. Qu’on documente. Qu’on livre. Et qu’on ne piège pas les clients dans des techno fermées.”

Ils misent aussi sur leur référencement… dans ChatGPT.

“Certains prospects nous ont trouvés directement via ChatGPT. On travaille à rendre nos contenus digestes pour les LLM.”

Dernier conseil à un CTO ? Ne pas tout miser sur la technique

“Le bon CTO, ce n’est pas celui qui a toutes les certitudes. C’est celui qui reste humble, curieux, à l’écoute. Et qui sait vivre en équipe.”

Et côté technique ?

“Il faut faire sa veille. Monter en compétence sur des sujets qu’on ne connaît pas. On a tous un sujet qui traîne. Kubernetes, les CI/CD, les bases de données, l’archi... Faut y aller.”

Chez theTribe, les devs bossent même en “cohortes de formation” chaque semaine sur un sujet technique, ensemble. Pas pour briller. Pour progresser.

Merci Thomas

Un entretien riche, humble, technique. Ce que Thomas dégage, c’est une vision lucide, incarnée, à l’opposé des clichés sur le “CTO visionnaire”.

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