De la technique au leadership : le chemin de Ludovic Fleury
Interview CTO
Ludovic Fleury partage près de 20 ans de parcours dans la tech, depuis ses débuts jusqu’à ses rôles de VP Engineering, CTO et aujourd’hui CEO chez Cloud IAM.
Il revient sur ses expériences en startup, ses erreurs (parfois coûteuses) et la façon dont elles ont forgé sa vision du management.
Les débuts : la chance des startups en hypercroissance
Ludovic commence sa carrière dans les années 2000 et rejoint OpenClassrooms tout au début. Il est le premier dev, à une époque où ils ne sont encore que quatre.
« C’est une époque où tout va très vite. En startup, il y a des opportunités incroyables. J’ai eu la chance d’être là au bon moment. »
Il raconte que c’est le genre de contexte qui accélère brutalement les carrières :
« Je suis devenu chef de projet technique en 2 mois. Pas parce que j’étais prêt. Parce qu’il fallait quelqu’un. »
Pour lui, c’est la force des startups : des enjeux forts, une accélération incroyable, mais aussi le risque de grandir trop vite sans être prêt.
« Il faut combattre le principe de Peter. C’est l’idée qu’on te promeut toujours au poste suivant jusqu’au niveau où tu n’es plus compétent. En startup, on le vit à vitesse accélérée. Tu prends des postes pour lesquels tu n’es pas prêt, et il faut apprendre en production, parfois dans la douleur. »
Son premier poste de CTO : l’école Plemy
Après ces premières expériences, Ludovic rejoint Plemy comme CTO.
« C’était une petite boîte qui devait pivoter vers un modèle de crowdfunding. On avait un produit communautaire qui ne se monétisait pas. On voulait tout refaire, et c’est là que j’ai fait beaucoup d’erreurs. »
Il se souvient d’avoir voulu aller beaucoup trop loin :
« On voulait faire la Rolls-Royce technique, alors qu’on n’avait pas validé qu’on avait un marché. »
Quelques exemples concrets :
- Trois mois sur OAuth 2, à lire la doc et l’implémenter manuellement. Alors qu’on n’avait même pas d’utilisateurs.
- Choisir MongoDB quand ça venait juste de sortir. Pas de communauté, pas d’outils. On a dû recréer des briques maison. Aujourd’hui c’est standard, mais à l’époque c’était suicidaire.
- Prévoir du yield management ultra-complexe pour gérer la tarification et le surbooking, alors qu’on n’avait aucun trafic. On aurait pu juste le gérer à la main.
« On a perdu un temps et une énergie dingues pour construire une super usine… alors qu’on ne savait même pas si les gens en voulaient. »
Il en garde une grande leçon :
« Tu construis pas pour te faire plaisir techniquement. Tu construis pour vérifier que tu résous un problème et que ça vaut le coup d’investir. »
Golem.ai : structurer et manager une équipe tech en hypercroissance
Après plusieurs aventures, Ludo rejoint Golem.ai, où il restera 4 ans, d’abord comme VP Engineering, puis comme CTO.
Pourquoi VP et pas directement CTO ?
« J’ai refusé de devenir CTO en arrivant. Je voulais vraiment faire du VP, être sur l’opérationnel pur. Comprendre comment on construit une équipe performante, me concentrer sur le management et l’exécution technique. »
À son arrivée :
« Ils avaient développé leur propre techno d’IA, mais il n’y avait pas encore de produit clair. On avait une dizaine de prototypes à livrer en six mois. Il fallait gérer la prod et structurer l’équipe en même temps. »
En VP Engineering, son rôle c’était :
- Construire et structurer les équipes.
- Encadrer le delivery des prototypes.
- Mettre en place les process d’engineering management.
- Fluidifier la collaboration avec le produit et le business.
« Je me voyais comme le garant de l’opérationnel. Le CTO, c’est plus stratégique : faire les choix macro, contribuer au business. Moi, je devais m’assurer que ça tourne au quotidien. »
Pourquoi devenir ensuite CTO ?
« Il y a eu un changement de direction. Le CTO est devenu CEO. Et il fallait occuper la place. C’était un rôle “par intérim” au départ, mais j’ai accepté parce qu’il fallait quelqu’un pour tenir la boutique et gérer la transition. »
Il aime bien ce terme « par intérim » :
« Ça met un cadre clair et solidaire. Tout le monde sait que c’est temporaire et qu’on prend ensemble la responsabilité des erreurs ou des ajustements à faire. C’est une façon de dire : on traverse la transition ensemble, on assume collectivement les choix. »
En CTO, il découvre un autre niveau de responsabilité :
« Quand tu passes CTO, tu n’es plus juste responsable du comment. Tu dois faire des arbitrages macro. Rendre des comptes sur la contribution au business. »
Et il insiste sur la dimension humaine :
« L’équipe te connaît déjà comme manager direct. D’un coup, tu dois faire des choix plus durs. Il faut être clair sur ce qui change »
Pourquoi il est parti de Golem ?
« J’ai accompagné le pivot stratégique. L’équipe était prête pour la nouvelle étape. Je pense qu’il faut savoir partir pour laisser la place à la bonne personne au bon moment. Sinon, tu deviens juste familier. Et la boîte a besoin de nouveau challenge. »
Cloud IAM : le passage au rôle de CEO
Aujourd’hui, Ludo est CEO de Cloud IAM, une startup qui vend une solution d’Identity & Access Management à destination des DSI.
« C’est un produit pour des DSI. En tant qu’ex-CTO, je comprends vite les enjeux. C’est un mélange de confort sur la partie technique et d’inconfort sur la structuration globale. »
Quand il rejoint la boîte :
« Elle existait déjà depuis trois ans, avec une bonne traction commerciale. Il fallait la faire passer en phase de scale. Structurer l’équipe business, le marketing, le CSM, la vente. En plus de la direction technique. »
Sa première étape :
« Tu ne peux pas tout changer en arrivant. Il faut observer. Comprendre la boîte, ses chiffres, ses contrats. Voir comment les équipes bossent. Prendre le temps avant de changer des choses. »
Un vrai challenge : la culture 100 % remote.
« Structurer une boîte 100 % remote, c’est un vrai défi. »
« Tu n’as pas la machine à café pour sentir ce qui bloque. La confiance, ça ne vient pas parce qu’on se croise. Il faut aller la construire en bossant ensemble sur des vrais sujets. »
« En tant que CEO, je suis plus loin du recrutement et du quotidien. C’est le CTO qui recrute, qui accompagne. La confiance, ça se construit autrement et c’est plus long. »
Conclusion
Ludo le dit lui-même : chaque étape l’a obligé à sortir de sa zone de confort. D’abord en prenant des postes sans y être totalement prêt, puis en apprenant à arbitrer, et aujourd’hui en dirigeant toute une organisation.
Il a beaucoup plus à partager que cet article donc pour ceux qui veulent en savoir plus je vous recommande cette video : https://www.youtube.com/watch?v=Dib_9t-7Ht8





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