De OpenClassrooms à Cocohop : le parcours d’un CTO devenu fondateur
Interview CTO
Vincent a 15 ans d’expérience dans les startups et scale-ups tech, en France et aux États-Unis. Il a été tech lead chez OpenClassrooms, bras droit du CTO chez Etsy, manager d’équipe chez Tinyclues, puis directeur tech chez Selency. Il a aussi cofondé plusieurs marketplaces, dans la puériculture, puis aujourd’hui dans le tourisme B2B avec Cocohop.
Dans cet échange, Vincent raconte ce qu’il a vécu : prendre des rôles à responsabilité sans toujours être prêt, faire grandir des équipes, vivre des décisions difficiles et essayer, à chaque étape, de rester juste, clair, et à l’écoute des autres comme de lui-même.
OpenClassrooms : "On était 9, il y avait tout à faire."
Vincent commence sa carrière chez OpenClassrooms, alors que le site s'appelle encore Le Site du Zéro. L'équipe compte neuf personnes, et tout est à construire. Il prend rapidement des responsabilités de lead, puis de tech lead, et participe à la création de la version 2012 du site.
“Depuis, c’est devenu quelque chose de grand. Ça fait toujours plaisir de voir ton travail qui évolue comme ça.”
Etsy : immersion dans un écosystème américain exigeant
Il rejoint A Little Market, qui est racheté par Etsy un an et demi plus tard. Recruté comme ingénieur R&D, il prend en main les sujets data, monte une équipe tech, et devient bras droit du CTO, puis CTO par intérim.
Le rachat change tout :
“Du jour au lendemain, nos interlocuteurs ne parlent plus qu’anglais, l’écosystème technique change de langue. Tu perds la moitié de l’équipe. Ceux qui restent doivent tout réapprendre.”
Lui monte dans le train. Il pitch l’architecture devant 1000 personnes à New York car c’est le seul à pouvoir le faire en anglais.
“Tu apprends sur le tas. Tu n’as pas le choix. Et tu n’as plus peur de rien après.”
Ce qu’il en retient : une rigueur dans la tech, un respect de la bienveillance managériale américaine, et la capacité à embarquer dans des changements de culture radicaux.
Tinyclues, CarJager, puis l’envie d’entreprendre
Après un passage chez Tinyclues à la tête d’une équipe data B2B, Vincent rejoint CarJager comme late cofondateur technique. Marketplace spécialisée dans les voitures de collection, tout est à reconstruire : app mobile, site web, outils B2B. En un an, tout est live. Il part pour raisons personnelles, mais la boîte tourne toujours, avec 40M€ de CA.
Une marketplace familiale, en pleine parentalité
Avec Molina, sa femme et associée, il crée ensuite une marketplace de puériculture d’occasion. L’idée vient avec l’arrivée de leur premier enfant. Le projet est revendu à Campsider, spécialiste de l’outdoor d’occasion.
“On restait dans la même thématique : le fait main, la seconde main. Mais avec du sens pour nous.”
Selency : reconstruire une équipe, puis devoir la réduire
Quand Vincent rejoint Selency, la boîte vient de faire une grosse levée de 60M€. Côté produit, tout s’accélère. Côté tech, l’équipe est réduite à 4 personnes, sans CTO. Il découvre une base de code très dense, et un fonctionnement qui produit beaucoup d’instabilité. Mais au lieu de juger ou d’arriver avec des certitudes, il prend le temps de regarder.
“Je me suis dit : ok, il y a un historique. Les gens ont fait de leur mieux dans le contexte. On va comprendre comment ça fonctionne avant de toucher quoi que ce soit.”
Il observe, pose un diagnostic. L’organisation est complexe, les incidents fréquents, mais l’équipe fait preuve de courage. Il ne veut surtout pas rajouter de pression.
“Il fallait remettre un peu de calme. De visibilité. Je voulais que les gens sachent ce qui se passe quand ça casse, et qu’ils puissent dormir la nuit.”
Il met en place des outils de monitoring, des logs, un premier cadre pour la production. Pas de refonte immédiate. L’objectif : rétablir un socle de confiance, où chacun peut bosser sans avoir peur de tout faire tomber.
Une fois cette première base posée, il commence à recruter, mais là encore, sans se précipiter. Il cherche à comprendre les vraies priorités, les bons profils, les bons timings. En deux ans, il fait passer l’équipe à 25 personnes. Il structure l’organisation, formalise des career paths, fait monter des profils en interne.
“Ce qui m’importait, c’était de créer un environnement où les gens comprennent où ils vont, ce qu’on attend d’eux, et ce qu’ils peuvent attendre en retour.”
Il tient ses engagements managériaux, essaie d’être clair, accessible, juste.
Mais en 2022, la donne change. L’entreprise entre dans une phase de recherche de rentabilité. Il doit gérer deux vagues de licenciements successives. C’est la première fois qu’il vit ça à ce niveau de responsabilité.
“Ce sont des moments où tu n’as jamais toutes les cartes. Tu fais du mieux que tu peux. Tu prends des décisions que tu aurais aimé éviter. Et tu dors avec.”
Il reconnaît que certaines décisions ont laissé des traces, et que malgré les efforts pour rester juste, certaines pertes humaines ont pesé.
“Certains profils que j’ai laissés partir n’étaient pas les plus visibles, mais ils avaient un vrai impact humain. Ce n’est pas toujours quantifiable, mais tu le sens après.”
Selency reste pour lui un moment charnière : pas tant pour les choix techniques, que pour l’apprentissage du rôle de manager dans l’incertitude, avec ce que ça implique d’inconfort, de responsabilité et de remise en question.
Cocohop : deux personnes, un produit, une vision
En 2024, Vincent et Molina lancent Cocohop : une plateforme SaaS B2B pour les professionnels du voyage sur-mesure. Leur mission : automatiser toutes les tâches chronophage des travel designers à l’aide de l’IA.
- Carnets de voyage générés automatiquement (jusqu’à 50 pages, en 20 secondes).
- Devis générés et stylisés et prêts à vendre.
- Paiement, signature, documents voyageurs, app mobile.
“On fait gagner 75% de temps. Et ce n’est pas du marketing : c’est mesuré.”
Ils travaillent tous les deux : lui sur la tech, elle sur le produit et la stratégie. 0 levée de fonds. Un produit utile, qui avance vite. Déjà plus de 3000€ de MRR avec un ÇA supérieur à 30k€ en moins de 4 mois.
Leur ambition : une entreprise petite, mais puissante
“Notre rêve, ce n’est pas de lever 10 millions. C’est d’avoir 10 personnes ultra-polyvalentes, qui comprennent tout, font tout, et travaillent bien ensemble.”
Merci Vincent pour la générosité de notre échange